Texte de Christiane Laforge

lu à la présentation de Jacinthe Couture

au gala de l’Ordre du Bleuet le 2 juin 2018



Née le 4 novembre 1950 à Saint-Gédéon, Jacinthe Couture manifeste très tôt un don pour la musique. Pour elle, les berceuses ne sont pas des mots chantés, mais les notes d’une gamme dont elle comprend déjà toutes les modulations. Sa mère, Yvonne Néron, hôtelière et femme d’affaire avisée, enseignante et musicienne, donne des cours de piano à la maison. Jacinthe, 3 ans, répète à l’oreille les partitions enseignées. La petite fille est bien vite invitée à la radio pour une émission d’amateurs à laquelle sa mère participe. Son père, Armand Couture, tailleur de pierre et briqueteur, entrepreneur et futur hôtelier, en est si fier que, chaque dimanche, il parcourt le village, faisant halte dans toute maison dotée d’un piano pour y faire jouer sa précoce musicienne.


Lorsque la famille s’installe à Chicoutimi-Nord, Yvonne Néron, organiste à l’église Saint-Luc, initie sa fille de 10 ans au chant grégorien ainsi qu’à l’accompagnement des psaumes aux vêpres dominicaux. Trois ans plus tard, alors étudiante au Collège du Bon-Pasteur pour y faire son cours classique, influencée par sa mère, fondatrice de l’ensemble Cubana, Jacinthe crée son propre groupe de musique populaire — orgue, saxo, batterie — faisant danser la jeunesse les samedis soirs, lors des mariages ou de soirées occasionnelles. Sans surprise, son talent s’impose dans un parcours bordé de succès. Elle se distingue dès ses premières participations au Concours des Jeunesses musicales du Canada. Les bourses ainsi gagnées lui permettent, à 13 ans, d’aller étudier au Camp musical d’Orford, en Estrie, fréquenté par des professeurs et des étudiants du monde entier. À 16 ans, elle quitte la maison familiale pour s’inscrire à l’Université Laval de Québec.


Une étape intense raconte-t-elle : « J’y eus d’excellents professeurs dont Robert Weisz, pianiste hongrois et grand pédagogue, qui eut une influence déterminante pour la suite des choses. En effet, il me fit réaliser mon potentiel, me poussa à travailler davantage. Il fut une grande inspiration et me fit découvrir également l’art sous toutes ses facettes. Pour arrondir les fins de mois, j’accompagnais des classes de ballets pour Les Grands Ballets Canadiens section Québec et commençai à faire quelques émissions de radio en solo ou avec des chanteurs. Des expériences qui m’ont servi toute ma vie. »


Lauréate au Concours de musique du Canada, Jacinthe Couture reçoit une bourse du Ministère de l’Éducation du Québec lui permettant d’aller étudier le piano auprès de Gyorgy Sebök et la musique de chambre avec Franco Gulli, Josef Gingold et Janos Starker à l’Indiana University de Bloomington aux États-Unis. Quatre années de pur bonheur, confie-t-elle, avec une musique omniprésente, un maître d’une exigence implacable la poussant au dépassement. Elle y crée des liens d’amitié avec des musiciens provenant de différents pays, amitiés toujours vivaces aujourd’hui.


Tous ces grands musiciens convainquent Jacinthe Couture d’aller sans cesse plus loin dans sa quête de la perfection. Elle participe à des Classes de maîtres, avec Bruno Seidelhoffer à Boswill, en Suisse, et Gyorgy Sebok en Suisse et à Banff, 5 ans plus tard.


Dès 1973, la carrière de Madame Couture prend de l’ampleur. Elle donne des concerts et des récitals avec des orchestres prestigieux du Canada, de France, de Belgique, de Suisse, de New York et de Londres. Elle joue avec des musiciens réputés. Radios et télévisions diffusent ses concerts.


En 1993, avec l’Orchestre philharmonique de Sofia en Bulgarie, elle enregistre des œuvres de Bach, de Mozart et de François Dompierre pour un film de Michel Brault. De 1995 à 2005, elle participe annuellement au Festival de musique de chambre des Saratoga Chamber Players à New York. Si vaste que soit le monde, Jacinthe Couture ne néglige pas sa propre terre. Elle se produit volontiers sur les scènes régionales, au Camp musical du Saguenay–Lac-Saint-Jean, au Rendez-vous musical de Laterrière ou lors de concerts-bénéfices au profit d’écoles de musique. En 2014, elle donne un récital fort remarqué pour l’inauguration du piano à queue Steinway destiné à la salle du Théâtre Banque Nationale. Un instrument, très prisé par les pianistes, qu’elle a choisi elle-même à l’atelier du fabricant de Hambourg, en Allemagne.


Cette lauréate des concours National de Radio-Canada, du Tremplin international des Concours de musique du Canada, du Chicago Civic Orchestra Competition et du Prix d’Europe, cette concertiste dont les critiques ont souligné la beauté de son phrasé, l’étonnante maîtrise du clavier, l’intelligence et la sensibilité de son jeu, est aussi une professeure de musique très appréciée. Elle a transmis son savoir à l’Académie Sibelius en Finlande, à l’Université du Massachusetts, à l’Université de Montréal, donnant des classes de maître au Canada, aux États-Unis avant de poser ses bagages dans sa région natale. En 1994, cette grande musicienne et ambassadrice accepte un poste de professeur de piano au Conservatoire de musique de Saguenay. Elle travaille aussi au Camp Musical du Saguenay–Lac-Saint-Jean, donne des classes de Maître dans nos différentes écoles de musique, participe aux concerts avec l’Orchestre Symphonique régional, la série Concerto à Alma, le Rendez-vous Musical de Laterrière, ainsi qu’à Vauvert et à la Chapelle Saint-Cyriac. Elle consacre 25 ans de sa vie à développer l’amour de la musique auprès des jeunes, dénonçant l’abandon des cours de musique dans les écoles et luttant pour assurer le maintien des conservatoires en région, encore plus celui de Saguenay.


Nommée citoyenne d’honneur de la région par la Société historique du Saguenay en 1975, puis Ambassadrice pour les Fêtes du 150e de la région, aujourd’hui retraitée « du conservatoire mais pas de la musique » précise-t-elle, Jacinthe Couture prépare plusieurs récitals. Nommée Ambassadrice régionale pour le 60e anniversaire du Concours de Musique du Canada célébré au Camp Musical de Métabetchouan le 22 juin prochain, elle y donnera un récital avec son ancien élève, Nicolas Ellis.


Ce soir, rendons hommage à une pianiste exceptionnelle pour sa brillante carrière, à une pédagogue dévouée, soucieuse de partager avec les jeunes sa passion pour la musique.



Jacinthe Couture


Pianiste de réputation internationale, pédagogue dévouée

pour sa contribution exceptionnelle à la promotion de la musique


fut reçue Membre de l'Ordre du Bleuet



lundi 4 juin 2018

Hommage à une grande artiste, mon amie Jacinthe Couture


 
Jacinthe Couture
© Photo Jeannot Lévesque - Le Quotidien

Collège du bon-Pasteur, automne 1962, éléments latins.
Nous sommes une trentaine de filles de Chicoutimi et des environs à recevoir les enseignements rigoureux des bonnes sœurs. Elles avaient à cœur notre développement et ce à tous les niveaux : les lettres, les sciences, les arts et l’activité physique.

En ce qui concerne les arts, la musique et la liturgie se confondaient. Nos enseignantes rythmaient nos déplacements au son du frappoir et l’expression musicale s’incarnait davantage à travers les cantiques du genre Plus près de toi mon Dieu et J’irai la voir un jour. De l’intemporel, du solennel, rien au goût du jour. Lorsqu’un bon matin, Jacinthe Couture, une des plus petites et la plus jeune de notre classe, arriva avec un gros accordéon qui permettait tout juste à sa tête d’émerger; ce fut alors une petite révolution. C’est comme si les sœurs avaient tiré leur cornette par-dessus bord, nous avaient permis les bermudas et les manches courtes et s’étaient mises à nous tutoyer. La modernité, la musique qui rassemble et qui swingue entraient en couleurs dans nos vies de collégiennes rangées. On demandait un air connu à Jacinthe et tout de suite, elle l’exécutait. Tout au long de nos études, elle nous a enchantées tout en continuant sa formation musicale au piano avec les religieuses. Pas une fête, pas une séance sans qu’on ne puisse compter sur sa participation généreuse et intelligente. Elle s’assoyait au clavier et rendait tout magique.

Jacinthe tu as ensoleillé nos vies.


Salle Pierrette Gaudreault, jeudi 3 mai 2018.
Jacinthe a accepté de participer à une activité bénéfice au profit de la chapelle St-Cyriac. Elle est seule au piano pendant une heure et demie à jouer des airs classiques avec intensité, sensibilité, générosité, une telle intelligence musicale, une communion spirituelle entre elle et l’assistance. 

Elle présente chaque pièce avec érudition et humilité, ce qui nous permet de goûter davantage l’exigeant menu musical qu’elle a concocté. Je mesure l’ampleur de son cheminement, de sa passion et de sa virtuosité, mais aussi tout le travail, l’acharnement que commande le fait d’avoir un tel talent musical. Sans opiniâtreté, sans entêtement, sans sacrifice et persévérance, le génie ne peut éclore et s’épanouir. Être une élue des dieux comporte une lourde responsabilité mais donne aussi le pouvoir de s’infiltrer agréablement et durablement dans le cœur de ceux qui t’entendent, un baume régénérant ma grande et valeureuse amie.

Tendrement,
Louise Angers

P.S. Les sœurs étaient fières de toi, l’illustration tangible de la parabole « des 10 talents »



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L'intensité et la qualité de la vie culturelle et artistique au Saguenay-Lac-Saint-Jean est reconnue bien au-delà de nos frontières. Nos artistes, par leur talent, sont devenus les ambassadeurs d'une terre féconde où cohabitent avec succès toutes les disciplines artistiques. Cet extraordinaire héritage nous le devons à de nombreuses personnes qui ont contribué à l'éclosion, à la formation et au rayonnement de nos artistes et créateurs. La Société de l'Ordre du Bleuet a été fondée pour leurs rendre hommage.La grandeur d'une société se mesure par la diversité et la qualité de ses institutions culturelles. Mais et surtout par sa volonté à reconnaître l'excellence du parcours de ceux et celles qui en sont issus.